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La maladie épileptique

La maladie épileptique

Le diagnostic d’épilepsie implique l’existence de crises d’épilepsie récidivantes spontanées. Toutes les crises « accidentelles » liées aux toxiques (alcool,…) sont donc exclues. Une crise d’épilepsie se définit comme l’ensemble des signes cliniques liés à la décharge hyper synchrone de neurones corticaux échappant à la régulation normale.


Il existe :
– des crises généralisées quand l’ensemble des neurones déchargent immédiatement (crises généralisées tonico-cloniques, crises absence, crises toniques,…)
– des crises partielles quand les neurones d’une seule aire cérébrale sont impliqués. Les crises partielles sont les plus fréquentes mais les moins spectaculaires. Les symptômes cliniques dépendent de l’aire cérébrale intéressée (hallucinations, automatismes, mouvements) et peuvent survenir en pleine conscience (crises partielles simples) ou entraîner une altération de conscience (crise partielle complexe). Une crise partielle peut envahir le reste du cortex et se généraliser secondairement.

Epidémiologie

Environ 1% de la population fait des crises d’épilepsie ; plus de 3% de la population a fait, fait ou fera des crises d’épilepsie. C’est après les céphalées la maladie neurologique la plus courante.
Cette maladie débute chez des patients jeunes dans plus de la moitié des cas cf fig 1.

Fig 1 d’après Hauser et al


Il serait plus juste de parler des épilepsies plutôt que de l’épilepsie tant cette pathologie revêt de visages différents. C’est le signe d’une atteinte cérébrale quelle que soit la cause plus qu’une maladie. La classification des syndromes épileptiques se fait selon deux axes principaux :
-épilepsies généralisées (faisant des crises généralisées) / épilepsies partielles (faisant des crises partielles +/- généralisée secondairement)
-épilepsies symptomatiques (avec lésion) / épilepsies idiopathiques (sans lésion ou génétiques)
L’âge de début est aussi un des critères permettant de classifier surtout chez l’enfant et l’adolescent, ce qui aboutit à un schéma de classification à trois dimensions. Cf fig 2



Fig 2 classification des épilepsies, en fonction de l’âge du début, du caractère partiel ou généralisé des crises, ainsi que du caractère symptomatique ou idiopathique.


L’étape de classification est une étape essentielle dans la prise en charge des patients épileptiques c’est grâce à la classification que l’on détermine un pronostic et que l’on choisit la thérapeutique. Ainsi les patients situés dans la moitié supérieure (non lésionnelles) ont plutôt un bon pronostic sous traitement médical, ceux dans la moitié inférieure (épilepsies lésionnelles) un assez mauvais pronostic, c’est dans le quadrant inférieur droit que l’on retrouve les 5% de patients encéphalopathes épileptiques pouvant nécessiter un placement en institution. Les épilepsies généralisées représentent environ 35% des épilepsies, les épilepsies partielles sont les plus fréquentes (65%), parmi celles-ci les partielles symptomatiques sont les plus fréquentes.

Pharmaco-résistance

On appelle pharmaco-résistance la persistance de crises sous traitement. Il est rare que le traitement médical n’ait absolument aucune action sur la maladie, mais même si plus de 50% des crises sont supprimées, le patient reste handicapé et on parle de pharmaco-résistance.
Le pronostic des épilepsies dépend ainsi de la classification et de l’étiologie. Globalement on admet que 30 à 40% des patients ne sont pas équilibrés par le traitement. Graphique 1.


Graphique 1. Seizure control according to the International League Against Epilepsy Classification of Epilepsies and Epileptic Syndromes.(d’après Semah et al 1998)


Les épilepsies généralisées idiopathiques sont sensibles et équilibrées dans plus de 82% des cas, les généralisées symptomatiques dans 27% des cas ; les épilepsies partielles symptomatiques ne sont équilibrées que dans 35% des cas, les épilepsies partielles cryptogéniques dans 45% des cas. (Semah et al 1998).
L’étude faite à la Salpêtrière nous montre de plus que certaines étiologies sont associées avec des taux de résistance très élevés (présence d’une sclérose de la corne d’Ammon environ 90% de patients résistants ; or ce sont les patients les plus accessibles au traitement chirurgical). cf graphique 2


Graphique 2 d’après Semah et al 1998. Pourcentage de patient chez lesquels on parvient à une année sans crise en fonction de l’étiologie. En clair facilement, en noir difficilement (après plus de trois essais médicamenteux).

Surmortalité et SUDEP

On connaissait autrefois assez mal l’évolution de l’épilepsie, progressivement les statistiques des pays anglo-saxons nous apprennent que les épilepsies peuvent être mortelles en dehors du pronostic des lésions causales. Le risque de mort subite apparait globalement 24 fois supérieur à celui de la population du même âge (Ficker et al 2000). Globalement le risque de mourir, est augmenté par la présence de crises, que ce soit accidentellement, par mort subite, par suicide, …

Conséquences socio-économiques, psychologiques ; malade quelques secondes, épileptique tout le temps

La maladie épileptique a cela de particulier que le patient n’est réellement malade que quelques secondes à quelques minutes par semaine, par mois ou même par années mais il ne sait pas quand une crise va survenir, même s’il ne fait que peu de crises, il est en permanence sous la menace d’en faire et est de ce fait en permanence épileptique. Cet effet « épée de Damoclès » se traduit par une anxiété très fréquente (50 à 85% des patients suivant les séries), et un taux de dépression qui dépasse 22% à 44% (surtout en cas de crises du lobe temporal 60% ; si le patient vit seul(e) 80% ; si âge de début vers 18 ans ; si métier qualifié 50%) ( Blumer et al 1995 J Neuropsychiatr Clin Neurosci ; Schmitz et al 1999 Epilepsy res). Le risque de suicide parait multiplié par 4 chez les patients épileptiques ambulatoires et par 8 en cas d’épilepsie temporale (Harris and Barraclough 1997 Br J Psychiatry).
L’existence de crises, l’obligation de traiter peuvent avoir un effet néfaste sur le développement des enfants, (Shackleton et al 2003 ; Jalava et al 1997) va gêner considérablement la scolarisation, les acquisitions, l’insertion. La persistance ou la menace de crises interdit certains métiers, nombreux sont les patients qui perdent leur travail (sont interdits tous les métiers de sécurité, de conduite ou de pilotage, l’enseignement, l’accès est limité aux métiers en contact avec du public,…), interdit de conduire ce qui dans notre civilisation occidentale représente un handicap certain. Ainsi une seule crise est sensée interdire la conduite auto pendant une durée de 6 mois au moins, la reprise de la conduite nécessitant l’avis de la commission préfectorale médicale du permis de conduire.
Pour les femmes, la présence d’un traitement plus que celle des crises fait courir un risque d’échec de contraception orale, un risque de tératogénicité en cas de grossesse (jusqu’à 12% avec certains traitements médicamenteux). Les crises font aussi courir le risque d’accidents quand la mère s’occupe de son enfant.
Tout cela associé à la réputation plus ou moins psychiatrique, ou parfois même satanique de la maladie aboutit à une tendance des patients à cacher leur maladie, et il est probable que la fréquence est sous-estimée.
Le coût de la prise en charge est estimé en moyennes à 5348 $ pour un adulte et 6814$ pour un enfant par an aux USA (AES 2008). En France le coût d’un patient épileptique résistant est estimé entre 3200 et 6000 € par année (Picot et al. 2008)

Traitements

Le but du traitement n’est pas de diminuer le nombre de crises, mais bien de supprimer ces crises afin que le patient ait une vie aussi normale que possible. Nous disposons maintenant de plus de 15 spécialités médicamenteuses. Les principaux progrès récents se situent dans la tolérance de ces traitements qui est nettement meilleure, mais globalement on a très peu gagné en efficacité (Il y a bien une diminution du nombre de crise, mais le nombre de patient sans crise n’a pas statistiquement changé de façon significative).
Le traitement chirurgical est le seul traitement curatif à notre disposition. Il est réservé aux épilepsies pharmaco résistantes, partielles, dont la zone épileptogène est suffisamment circonscrite pour être opérée (exérèse) sans créer de déficit neurologique inacceptable.
Le nombre de patients potentiellement curable dépasse largement les possibilités actuelles :
• 600000 patients épileptiques en France
• 60% épilepsies focales = 360.000 patients, dont 40% pharmacorésistants =144.000 patients. On pense que 40% des patients ayant une épilepsie partielle pharmacorésistante sont des candidats à la chirurgie….=57600 patients en France (recommandation de l’AFSSAPS 2004).
• 25 et 50% d’entre eux serait curables chirurgicalement (Jallon 2004, conférence de consensus)
• Environ 350 sont opérés chaque année, soit 5 pour 1000….

Une conférence de consensus s’est tenue sur les épilepsies partielles pharmaco-résistantes. (Paris 2004). Elle recommande d’adresser tous les patients pharmaco-résistants dans les centres de chirurgie de l’épilepsie. Les patients ayant une épilepsie temporale (les plus fréquents des épileptiques partiels) surtout si ils ont une sclérose de la corne d’Ammon doivent bénéficier d’un bilan pré-chirurgical ils sont en effet les plus résistant des patients, et les plus accessibles au traitement chirurgical curatif.

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